L'EFFORT,
LE MONDE

LE GÉNÉRATEUR, GENTILLY
4 MAI - 14 JUILLET 24
Jacques Perconte : recherche, ce qui me conduit

CE QUI ME CONDUIT
L'EFFORT, LE MONDE

Cinéma exposé
2024, env. 120′, 24,65 x 5,1 m
6K 3 channel video - 10 channel audio

Alpinistes : Fanny Gras, Bogumila Wisniewska
Images et son : Jacques Perconte, Erika Vati
Fixeurs : Clio di Giovanni, Floran Tomei
Sherpas : Sebastian Fischbach, Emmanuel Quinchez
Production : le Générateur, Jacques Perconte

Tourné dans les Alpes, dans les massifs du Mont-Blanc, des Aiguilles Rouges, du Haut-Griffe, des Arves et des écrins, dans la forêt des landes, autour du lac du Salagou et dans les ports de Dunkerque et de Rotterdam.

Le Générateur, Gentilly
4 mai - 14 juillet 24

CINÉMA ÉTENDU

Comme dans un cinéma libéré de sa torpeur, comme sur un immense écran panoramique, au sein d’une installation sonore, corps, roches, cœurs, pierres, muscles, glaces, cordes, ciels, oiseaux, usines, mathématiques et rêves fusionnent. Efforts, contingences, immanences dansent à l’écran comme ils existent en même temps dans ce qu’on appelle le monde.

Crée pour la grande salle du Générateur à Gentilly, le film est aux dimensions du plus long des murs, et de la hauteur du sol au plafond. Comme un immense hublot, il transforme l’espace en habitacle. Ainsi propulsé dans une autre dimension, le Générateur permet un voyage à faire assis ou debout ou tranquillement en se baladant.

L’effort, le monde est un film pour l’exposition. Il n’a pas de début et n’a pas de fin. Il travaille durant un peu plus de deux heures différents paysages qui existent en même temps.

HISTOIRE DE MONTAGNE

Soulevant l’eau et les roches, les forces l’univers, sculptent les montagnes et les mers. Soufflant les tempêtes et relâchant les séismes, la terre respire. Des humains, en allant puiser dans leur cœur les vigueurs de leur amour, jouent leur destin au contact de ces forces. Vaillants marins des montagnes, quelques alpinistes profitent du vertige de l’effort. Leurs muscles tendus, les yeux grands ouverts, l’ouïe en éveil, à pleins poumons, elles inspirent et expirent leur lien profond avec un univers de contingences magiques. Sans un mot, elles s’élèvent vers nulle part. L’expérience intense du désir, de la contention à la contemplation, vers le lâcher-prise, pour être vivant, pour se sentir vivre, se mettre en vie.

Elles grimpent dès que possible.

« La montagne n’est ni juste ni injuste. Elle est dangereuse. » « Parce que nous allons dans les endroits les plus dangereux, où la mort est possible, pour ne pas mourir. » Reinhold Messner 1

Voir, sentir, pousser, toucher, ne plus penser, pour ne plus être séparé des cristaux, des roches, des métaux, des mers, des oiseaux, des forêts, des montagnes, des nuages, des étoiles, du soleil… les uns des autres.

Si nous arrivons à oublier quelques instants le sidérant mouvement de destruction à l’œuvre sur la planète, on peut arriver à retrouver au plus profond de nous, en écho au ciel, la douce pureté du soleil.

Poussières d’univers sur la terre, en quelques millièmes de seconde pour le soleil et pour nous en quelques minutes, en quelques heures, en quelques jours, en quelques années, nos efforts conduisent nos corps. Nous sommes les grands bâtisseurs de nos imaginaires.

Mais même quand notre corps permet à nos pensées de s’échapper, les machines continuent à miner les sols et les roches, les usines continuent à brûler les charbons, les pipelines continuent à se remplir de pétrole, les centrales battent leur cœur à plein régime et l’électricité file comme la planète tourne. Même quand on ne regarde pas, tout ce qui est vivant et exploitable est intensivement industrialisé. Nous avons fait d’une attitude, une nature dont il est difficile d’imaginer pouvoir se défaire. Et si certains d’entre nous sans effort savent s’extraire de tout ça, si d’autres, profondément touchés, arrivent à changer un peu, loin de la marge, l’effort semble impossible. Les conséquences de toutes ces petites économies semblent à peine quantifiables et malheureusement nous ne pouvons pas agir individuellement sur ce qui changerait tout. La fracture est trop grande. Comment pouvons-nous être autrement que malheureux, quand on sent que rien n’est possible ? Tout est dans le pouvoir. Et sans changement radical, sans victoire immense du système contre le système. Nos efforts seront vainement concentrés à l’adaptation et la survie dans un milieu où il sera de plus en plus difficile d’exister.

L’effort, le monde, mon amie, mon ami, sourit quand il libère l’âme du lourd poids de notre terrible intransigeance.

« Je suis citoyen du plus beau pays au monde un pays aux voies dures mais simples, qui ne trichent jamais, immense et sans frontières où la vie s'écoule au présent. Dans ce pays sans limite, dans ce pays de vent de lumière et de paix, il n'y a de grand chef que la mer »
Bernard Moitessier 2

MONTAGNES

Du ciel tombent des particules si fines que le vent les fait voyager sur des milliers de kilomètres. Avec l’eau de l’air, elles prennent du poids et perdent de l’altitude et délicatement se posent sur les blancs glacés des hautes roches. Elles y rejoignent les pierres et les poussières qui y glissent de parties encore plus hautes. Pour celles-là, certaines s’échappent de leur milieu glacé au fur et à mesure du réchauffement. D’autres sont des fragments plus ou moins importants de la montagne qui, elle aussi, craque et s’effondre. Ces paysages, d’apparence si stable, sont des chaos. Depuis des millénaires, les mouvements souterrains les poussent, l’érosion et les défis à l’équilibre des forces sculptent leurs formes. Les avalanches, comme l’écume des vagues, dessinent les tourments terrestres. Mais jamais mes yeux n’arrivent à donner une mesure à ces images. Ce que j’imagine être un caillou est plus gros qu’une voiture. Ce que je crois pierre est une grande maison. Ce que je crois grand comme moi est une montagne. Ce que je vois, immense, est bien plus immense que tout ce que je pourrais imaginer.

Je suis né au pied des falaises. Je n’y ai pas grandi. Mais je sens q’un étant arrivé sur terre par là, je fais partie de ce paysage. L’excitation de la beauté des neiges aux sommets de ces corps géologiques inonde ma vue. Tout est trop grand. Tout est dangereusement en équilibre. Mais à la poésie se mélange la politique. Les montagnes cristallisent tellement de choses et renvoient si directement à la matérialité de notre situation qu’on ne peut pas y échapper. L’image de l’effondrement de notre monde y est particulièrement forte. 3Les implantations humaines produisent une rencontre saisissante entre le péril et le monde, manifeste d’un rapport assez absurde à la nature.

Quand je prends de l’altitude, le contact avec la pierre, aussi humble soit-il, me rappelle les milliards d’années qui se sont écoulées. La disparition de la végétation et l’inhospitalier défont l’impression de paysage pour faire naître un sentiment de vérité, comme si la terre, dans tout ce qui la constitue, le détail de l’univers, tout d’un coup était bien là. Certainement que s’éloigner dans cette direction ouvre un chemin vers la vie et qu’il est nécéssaire de fournir quelques efforts pour y aller.

FEMMES

 « Pourquoi ont-ils fait ça ? Pourquoi ont-ils dit que je n’avais pas gravi l’Everest ? » Lydia Bradey 4

Les femmes déplacent les montagnes, mais l’histoire que font les hommes ne veut pas le raconter. Quand elles conquièrent, ce n’est pas pour prendre, mais pour connaître. Ce n’est la prise du monde du dehors comme une possession, mais la fusion avec l’univers qui ouvre le cœur. L’expérience est vie, on ne gagne que sur soi, pas sur les autres.

Je vois la montagne de loin, et pour m’en rapprocher, ce n’est qu’avec elles que j’ai envie de le faire. Parce que le chemin que je veux prendre, aussi loin qu’il puisse m’emmener, est celui d’une aventure sereine. Et par là, l’extrême sera toujours paisible.

 « Être entier. Être complet. La nature sauvage nous rappelle ce que signifie être humain, ce à quoi nous sommes liés plutôt que ce dont nous sommes séparés » Terry Tempest Williams

C’est dans la confiance de leurs mots, dans l’effort conduit par leur cœur que je peux plus facilement entrevoir ce que la force d’être peut être.

L’effort est féminin, sans orgueil, il a le pouvoir de transcender ce qu’on appelle le monde.

AVENTURE UNIVERS

Qu’est-ce qu’ont à voir les immenses porte-containers dans le port de Rotterdam, les mines de charbon, les raffineries et toutes les usines de la planète avec la liberté de grimper ?

On ne doit pas opposer l’effort du geste de l’alpiniste invisible dans l’immensité des parois des montagnes, avec le geste de l’ouvrier invisible à travers les murs des usines . Il existent en même temps et certainement que l’un suppose l’autre.

L’échelle industrielle impose dans sa démesure un régime de rentabilité où l’effort conduit à la performance. Sa nature contraint.

Si certains s’aventurent en montagne un peu plus loin que les autres, ce n’est pas pour tous une question de performance, d’héroïsme, d’adhésion à des valeurs de dépassement compétitives, ce n’est pas une question profit, pas une histoire de volonté comme on veut le faire croire, mais une nécessité, un amour si profond que sans effort, il défie l’image du confort. En allant au contact de quelque chose dans leur cœur qui relie à la vie, c’est un alignement à la terre, à la planète, un raccord à l’univers que l’on conduit.

Alors que l’humanité défie chaque jour un peu plus la terrible complexité qu’elle met en œuvre pour son progrès. Le retour à la simplicité peut sembler un acte courageux. Mais il ne faut pas se méprendre. Si dans l’âme de certains, cette simplicité se rapproche des limites du possible, elle existe majoritairement dans l’humilité d’un accès à ce qui est là, pas loin de soi, dans la mesure, sans autre ambition que celle de l’expérience, pour le plaisir de la rencontre.

AVEC ET SANS CORDE

Quand les mains se saisissent de la corde, c’est d’abord la plasticité filandreuse de la matière qui guide le contact au sentir de l’attention. Au désordre de la longueur du mou qui tombe dans le vide, les gestes sont guidés par l’habitude. En arrière-plan de l’automatisme, la conscience d’une lenteur appropriée permet de ne pas perdre contact avec la nécessaire vigilance. La corde est là, bien dans les mains, la corde est bien là, dans le cœur.

« Sans corde, il n’y a pas de peur, car tomber est impensable. » Catherine Destivelle

Quand les mains viennent se poser sur la roche, de la couleur, et des impressions, c’est la douceur, la rugosité, le coupant, la froideur qui depuis le toucher viennent au cœur. C’est de toute la complexité d’une rencontre que la prise va assurer l’effort et poussera le corps encore un peu plus haut. C’est plein de liberté et tranquillement que s’organise cette danse intuitive avec la paroi. Et si les corps s’échappent et s’aventurent là où l’on croit souvent qu’il n’est pas raisonnable d’aller, ce n’est pas pour défier quoi que ce soit, parce qu’il n’y a rien à gagner, c’est pour faire l’expérience de ce contact physique avec la montagne, le faire peau neuve pour un moment de vivre animal. Osmose, unisson avec le cosmos.

« J’aime arriver au sommet, mais je ne dis pas que je l’ai vaincue. La montagne est toujours plus forte que moi. » Catherine Destivelle

Le langage de la victoire trahit de tristes manières quand on raconte l’effort. La montagne pensée comme une femme qu’il faut vaincre et posséder, signe un sacrifice pervers, impérial, où la force écrase et éloigne l’homme de l’humilité nécessaire pour pouvoir s’aligner sur la vie.

Il y a dans la simplicité des gestes amoureux une grande sincérité, une passion incarnée de la vie, » humilité d’un immense respect à ce qu’est la place humaine dans cette partie de l’univers.

Nous ne sommes pas capables de résister à la nature. Certaines de ses échelles nous dépassent rapidement et la plupart d’entre elles nous dépassent totalement.

Peut-être que tout est question de dimensions, et que nos ambitions de progrès, à dessiner un monde domestiqué, aussi puissamment belles soient-elles, sont à la fois bien trop avides et naïves. Et que les désirs qui les conduisent sont trop souvent aveugles, ce qui rend le risque, que l’alpinisme véritable ne provoque jamais, inévitable. Et que, comme quand on s’aventure en haute montagne, et qu’aucune avalanche ne nous balaye, on pense avoir maitrisé la situation. Mais aussi pointus, aussi sensibles, aussi puissants qu’ils soient, nos outils ne sont pas sûrs. Et en rien, ils ne permettent d’échapper à ce qui serait imprévisible, comme la nature l’est profondément, surtout là où elle est saillante. Comme il leur est impossible d’échapper à leur nature profonde à eux, qui est la possible panne ? Alors que ce qui sauve de la mort, c’est cette capacité à se dire qu’on est arrivé à l’endroit où plus rien n’est possible sans défier la vie pour sen remettre à la chance. Garder la main sur le risque, tout en sachant penser un maximum nécessaire pour rentrer au plus profond du désir, le retrait devrait être entendu comme la suite logique et le chemin juste d’un effort qui continue.

Je me demande ce que cela vient toucher en moi. L’ensemble de ses images de forêt qui brûlent, de glaciers qui fondent et qui s’effondrent, de montagnes qui menacent de s’affaisser, de terres qui deviennent arides, de rivières qui se déchaînent et inondent, d’espèces et de races qui disparaissent. Le monde est de plus en plus menaçant et ce qu’il menace, c’est ma fragilité, notre fragilité en tant qu’humain et comme quand un volcan entre en éruption, on se rend compte à quel point aucun de nos stratagèmes, ni aucune de nos technologies ne peut vraiment nous aider à faire face aux éléments.

L’élémentaire du mouvement de l’univers qui se concentre, dans les flux terrestres, dans ce qu’on appelle la tectonique des plaques, dans cette réalité, d’être sur un morceau d’univers dans le cœur est en fusion, entouré d’une roche liquide dont la température et fatale a absolument tout.

N’oublions pas, et moi je me fais le devoir d’essayer de ne pas l’oublier, que tout cela est au plus profond la réalité tangible. C’est l’écoulement de la vie à l’échelle de l’univers. Et plus le temps passe, plus je me dis que la vie c’est tout, et que cette séparation entre l’inerte, le minéral et le vivant, est peut-être aussi une erreur de notre part. Est-ce qu’on ne retrouve pas cela dans les paroles de grands astronomes : un langage qui ramène la compréhension des confins, des galaxies et du fonctionnement général de l’univers à celle d’un système vivant, et je ne parle pas d’imaginer une forme de conscience et d’un plan particulier, mais simplement d’un système évolutif, qui, mu par des questions énergétiques s’adapte aux situations, en développant une complexité de plus en plus grande, et dont peut-être, ce qui nous arrangerait certainement, la forme la plus complexe serait celle de la vie. Nous sommes des expressions de l’univers, nous sommes comme tous les autres éléments composés, des variations, des modulations, des tentatives d’adaptation. Donc certainement nous ne devrions jamais l’oublie. Notre première attitude devrait être de considérer systématiquement les réalités naturelles dans lesquelles nous nous projetons comme des altérités.

EFFORT-IMAGE

Dans la continuité des muscles qui soulèvent le corps dont la main s’agrippe à la roche, la matière, soumise à la force des principes mécaniques, résiste et obéit aux lois de l’effort. La force qui emporte le corps dans l’ascension place l’agilité des mouvements dans la continuité de ceux de la montagne. L’intelligence des gestes s’ancre dans une conscience de la fragilité.

Si nous pouvions entreprendre un changement radical en faisant confiance à nos émotions, en écoutant la profonde sensibilité qui s’éveille au contact que nous avons avec ce qui nous entoure, peut-être que nous serions capables de porter une autre société.

Il est devenu impossible de filmer la nature sans voir que les images que nous connaissons disparaissent. Ce qui s’effondre sous nos yeux, c’est le monde tel que notre civilisation l’a construit.

J’ai l’impression que l’horizon est sans cesse en train de s’assombrir. Crises climatiques, climat social, impasses politiques. Le monde dans ses flammes brûle.

SANS PAYSAGE

Partout où je vais, ne serait-ce que pour quelques secondes, j’inspire et j’ouvre grand les yeux. Je suspends autant que possible le flot de mes pensées. Même s’il pleut, même s’il fait froid, je fais le plein de lumière. J’essaie de sentir le calme des fleurs, le silence des arbres, autant que d’entendre le battement des ailes de chacun des oiseaux qui traverse le ciel, sans jamais essayer de chercher à savoir ni comprendre ce qu’ils sont, ce qu’ils font. Je veux simplement accueillir leur présence et profiter de mon expérience.

Si je fais attention depuis longtemps à la manière dont je travaille, c’est certes dans un souci écologique, mais surtout dans un désir de trouver une force à toutes les échelles dans mes actions.

J’ai abandonné depuis un certain temps le désir, ou le devoir peut-être de contrôler le savoir de ce que je fais. Mon travail n’a aucune ambition de démonstration ni de résolution de quoi que ce soit. Il réfléchit mon rapport au monde au travers de son prisme, comme le miroir reflète l’image dans sa matière. Et sale, pas si uniforme que ça, travaillé par le temps, dans sa matérialité apparente, il renvoie une image qu’on ne peut pas confondre avec le monde. Pour moi, faire, ce n’est pas prendre le pouvoir et vouloir en profiter. Ce n’est pas savoir, c’est être dans une recherche pratique et explorer consciemment ce qu’elle me fait.

« Je déroule lentement la peinture et tandis que je l’observe, je m’avance dans une étendue sans limites de tous les côtés et qui m’ouvre ce sentiment de l’infini que le ciel inspire en moi. » Zong Bing (375-443)

Peut-être que ma réaction en avançant dans la vie est de lever le pied sur ces automatismes qui feraient de moi une sorte de conquérant.

Peut-être une des plus grandes difficultés à laquelle je fais face dans mon travail, c’est celle de voir ce qui est là et de faire ce que je peux plutôt que ce que je crois vouloir.

VOYAGE

Il y a certains endroits de la planète dont je rêve. Leur puissance magique serait certainement un point de départ merveilleux pour mes images. Mais en vérité, je ne recherche pas ce genre d’aventure. Plutôt que de voir le plus de choses possible une seule fois dans ma vie, je préfère pouvoir en fréquenter un petit nombre, comme j’aime passer du temps avec ceux que j’aime.

Je n’aime plus aller loin. Je crois qu’il faut savoir voir ce qui est là, près de nous et lui accorder tout son cœur. Même si quelques instants j’ai pensé que ce projet pourrait être le moyen de visiter de nombreux lieux certainement extraordinaires. Qu’est-ce que cela voudrait dire de ne prendre le temps de rien ? Qu’est-ce que cela voudrait dire, d’aller chercher aux quatre coins de la planète des instantanés, et d’extraire de ces sauts de puce une quelconque idée  ? Comment pourrais-je voir quelque chose que je ne connais pas déjà ?

C’est sûr que l’on peut raconter des histoires avec tout. Mais je ne veux pas prendre une posture simplificatrice et coloniser par la pensée. Je ne peux parler que de là où je suis, moi, artiste qui veut garder les pieds sur terre.

Cela fait des années que je retourne et retourne sans cesse dans certains de ces endroits qui tissent ensemble mon Europe. Cela n’a aucune importance où sont géographiquement ces lieux. Même si la poésie de la géomorphologie, de la géologie, de la météorologie et de toutes les sciences de la terre m’inspire, je n’y cherche aucun sens. Parce qu’avec la nature, je cherche l’expérience, aussi simple soit-elle, de la présence.

NATURE-IMAGE

Cela va faire vingt ans que presque quotidiennement m’habite la question des relations que j’entretiens avec la Nature. Cette recherche a été pragmatique, pratique même avant de devenir philosophique, puis spirituelle.

Très vite, j’ai refusé l’exotisme et me suis consacré à des formes du paysage dont les arguments ne sont pas populaires. Ainsi je préfère l’humilité du petit bois inconnu à la forêt trop réputée. J’ai ce désir de révéler de la magie partout. Mais surtout, je défends un rapport sincère à l’expérience, où l’attention et le temps sont consacrés, où le calme et la présence sont centraux.

Si les images de la nature sont omniprésentes, je ressens qu’elles nous rappellent sans cesse inconsciemment que nous en sommes séparés. La médiatisation et l’informatisation du monde ne font à mon avis qu’intensifier cette distance qui dissocie nos pensées de notre corps. C’est ainsi que je me suis donné comme mission de faire des images qui ne séparent pas. Je ne sais bien sur pas comment faire. Alors je développe le travail d’un retrait, je fais l’effort d’un calme, d’une présence, à la recherche d’une image non conceptuelle, qui ne sert à rien, qui ne montre rien. Afin qu’il soit possible peut-être pour moi et pour ceux qui la regarderont d’y voir tout.

ÉCOLOGIE-BONHEUR

L’écologie à mon échelle, c’est une histoire d’amour avec le monde. Et comme avec le bonheur, dès que l’on prend un peu de recul, on sort de l’état pour glisser dans le constat.

À la bonne heure.

L’écologie à mon échelle, c’est celle de l’attention. Elle est pour moi sincèrement un fondement. Elle l’est à la fois dans ce que j’adresse en faisant des images, mais aussi dans ma relation avec le monde, en m’efforçant de ne pas être comme ceux qui déploient des moyens considérables pour extraire d’une ressource ce dont ils ont besoin.

« Si nous sommes sensibles à la vie qui nous entoure, aux douleurs et aux joies des uns et des autres, à la beauté et à la fragilité de la Terre, c'est avant tout parce que nous sommes ouverts, que nous nous permettons de sortir de nos revêtements durs et d'exposer notre cœur, que nous nous permettons d'être vulnérables dans notre réponse émotionnelle au monde. Et comment ne pas réagir ? C'est ce que j'entends par "s'ouvrir". Pour s'engager. Aimer. N'importe laquelle de ces actions du cœur mènera à une transformation personnelle qui apportera des cadeaux collectifs » Terry Tempest Williams5

NATURE

Est-ce que les hauts sommets des plus hautes montagnes ne sont pas les crêtes des plus hautes vagues de la planète ? Lentes, tempêtes, écumes glacées, prises par l’érosion manifestent la vivacité d’une planète étrangement habitée par de petites choses agiles qu’une intelligence désespérante les convainc qu’ils peuvent dominer et régner.

Nature.

Si l’idée de nature a été inventée chez nous à la fin de la renaissance pour séparer la culture des hommes de tout ce qui n’est pas eux et qu’il fallait alors comprendre et maitriser, alors il faudrait dire que la nature n’existe pas.
Mais je n’arrive pas à me détacher de ce mot.

Je préfère réparer qu’inventer.

Et si le naturalisme qui découle de l’idée de nature est bien un des mouvements qui nous a conduits à engendrer cet effondrement du vivant, je m’attache à comprendre la nature, le monde, l’univers comme un tout, où rien ne se différencie sur le plan de la hiérarchisation des formes. Si nous nous sommes séparés intentionnellement du vivant et de la matière, je crois qu’il faut maintenant faire preuve d’humilité et nous rassembler. Nous savons bien que physiquement tout est fait des mêmes élémentaires. Plasma, gaz, liquide, solide, métal, minéral, végétal, animal, la seule chose qui varie c’est l’intensité du chaos. Et à tous les niveaux, de l’atome à l’humain, à mesure que chaque histoire se poursuit au fil du temps, elle enregistre un nombre croissant de phénomènes dus au hasard. Certains de ces accidents se figent et deviennent des règles pour le futur, du moins pour une certaine partie de l’Univers.

J’ai tendance à croire que ce que l’on appelle le monde aujourd’hui n’a rien à voir avec la nature. C’est la dimension terrestre de l’univers dominé par l’humanité. C’est le potentiel qu’il reste à dominer.

Le monde, c’est ce que l’homme fait de la terre.

J’imagine, le temps où les humains n’avaient encore rien construit, où ils ne comprenaient rien, et où peut-être ils ne se demandaient pas ce qu’il y a à comprendre. Comme toutes les autres choses sur la planète, ils étaient occupés à vivre. 6

« On ne demande pas à une mouette apprivoisée pourquoi elle éprouve le besoin de disparaître de temps en temps vers la pleine mer. Elle y va, c'est tout, et c'est aussi simple qu'un rayon de soleil, aussi normal que le bleu du ciel. » Bernard Moitessier 7

ROMANTISME

Ruines et catastrophes nourrissent l’imaginaire du romantisme depuis longtemps. Mais je ne filme pas de ruines. Les images d’elles-mêmes, s’abîment dans la matière, et le sublime se réveille de la tension qu’il y a entre une nature qu’on aime imaginer vierge et une industrie qu’on ne veut pas vraiment voir.

Tous les jours je suis saisi par des instants d’une immense grâce. Je vois ce ciel incroyable, ces eaux fabuleusement belles, ces oiseaux totalement libres, et je me dis que c’est ce que je veux faire, ce que je veux partager avec tout le monde. Je crois que depuis longtemps dans mon travail, je suis à la recherche de cet équilibre très étrange qui ferait que mes images arriveraient à délivrer un tout petit peu de ça, en toute humilité. Beaucoup croient, je crois, qu’il est anachronique de vouloir concentrer l’énergie du romantisme à un endroit. Mais pour moi cette puissance c’est l’état naturel des choses. C’est en toute chose. Et Je suis triste de voir que dans la création cela soit trop rare.

Je ne suis jamais autant bouleversé que quand je découvre une œuvre qui, tout d’un coup est à la limite de son époque, qui à l’orée de l’abstraction, explose les impressions d’un monde immensément riche de poésie où notre cœur trouble nos yeux.

Alors pourquoi tant de beauté ? C’est parce que c’est à ça que je rêve à chaque seconde. C’est ça que je me dis essentiel maintenant. Cela entre en résonance avec toutes ces choses qu’il faut penser qu’il faut comprendre qu’il faut engager, qu’il faut dire, avec tous les agencements qu’il faut produire et toutes les exigences intellectuelles essentielles maintenant qu’il faudrait avoir. Je crois que les choses vont toujours ensemble et elles ne sont jamais séparées les unes des autres. Tant de beauté. Cela vient avec le monde de maintenant. En parallèle viennent tous les mots qu’il faut plaquer au mur et porter dans nos voix. Mais je crois dur comme fer, de tout mon cœur qu’il y a ce besoin pour moi et pour tout le monde de savoir accueillir tant de beauté.

Bêtement, mais sincèrement, tout ce que je veux, c’est aimer profondément, indéfiniment, sans réserve. Aimer le plus grand possible, aimer au point que tout s’efface un instant. J’ai le temps. J’ai le sentiment que tout ça est une question d’équilibre et qu’au regard des forces de la folie et de la noirceur du monde, de la démesure sociale, du partage vulgaire et de l’engouement pour le drame et la peine. Il est nécessaire de déployer une force phénoménale d’exigence pour déployer autant de beauté qu’il est nécessaire.

BEAUTÉ

Pourquoi tant de beauté ?

Face à cette puissance que la force créatrice peut nous donner et que nous pouvons convoquer avec l’amour, mon ami, il faut accepter humblement la fin d’une totalité, je crois. L’intelligence est un cadeau, mais c’est aussi un poison. Peut-être que les grandes œuvres seront d’un genre différent maintenant.

Il faut accueillir tous les états du monde, pour faire exploser la bulle de l’absolu qui ne cerne en rien le monde tel qu’il est. Un beau reflet continent tous les états de la matière avec cette particularité de l’immédiate présence, de la fragilité d’éclats jeunes, de fragments en fusion, de vieilles roches, de tante de métaux, d’or et de diamants, faisant tous corps sans remise en question. Il faut faire exploser l’hypothèse de la perfection en trouvant une place pour tous les volumes de l’intensité. Ainsi peut-être que le déséquilibre peut trouver une place dans l’harmonie, comme c’est le cas dans le vivant, parce que tout est tout le temps à sa place. Et c’est certainement ce qu’il y a de plus difficile à faire. Apprenons à produire cette symbiose formelle où les signaux évoluent ensemble sans qu’aucun ne fasse vibrer le doute. Parce que l’on accepte de faire de la place pour ce qui est là où il en est sans distance, mais au sein d’un ensemble qui donne tout.

J’imagine une quête ambitieuse qui, loin de se contenter d’objets de rencontre, s’efforcerait de réunir les plus remarquables manifestations des forces élémentaires, anonymes, irresponsables qui, enchevêtrées, composent la nature. Roger Caillois, 196

Ainsi, c’est certainement la grâce de la pleine présence qui rend mystique tous les êtres. Fleurs, pierres, animaux, arbres, étoiles, galaxies sont capables de nous enseigner la paix de l’âme. Si la vie est un état complexe d’organisation de la matière. La mort ne l’est pas. Elle n’existe que dans le regard de ceux qui la pensent. La mort n’existe pas, tout est tout le temps là. Et la conscience qui nous rend capables d’aimer et de raconter des histoires n’est qu’un effet de la vie. Peut-être devons-nous revenir humblement à l’acceptation de n’être que des conséquences.

La magie solaire qui fait briller l’or si fort et qui rend étincelantes les âmes au fond des yeux, la poésie des ondes sonores qui fait danser nos organes et tire les larmes de nos cœurs, les frissons mélodiques de chaque caresse de la matière amie, amante, que nous pouvons recevoir, sont les plus beaux cadeaux des hasards l’univers.

VITALISME

Une image vivante, à la recherche d’une vitalité contre des processus de représentation qui servent à mettre en scène quelque chose qui n’est plus là, qui est fini, décrit, déterminé, mort.

Réalité tactile.

Ne pas être en compétition avec la nature, mais profiter de ses enseignements.

Avec le numérique il y a une rupture. L’ordinateur ne répond pas à la vie. On essaie de nous le faire croire et d’y croire (pour la plupart). Mais je crois que dans le fond, nous humains, on sait reconnaître dans les images ce qu’il reste du monde. ET c’est consciemment qu’on le regarde disparaître. Nous avons la capacité à reconnaître les traces du vivant parce que la matière fait, elle transforme. On pourrait étudier la materiaulogie, les vibrations actives de la matière qui transforment les images.

CONTINGENCES

À cet instant, tout va bien.

« Ce qui fut n’est rien, et se rappeler c’est ne pas voir.
Passe, oiseau, passe, et enseigne-moi à passer. »
Alberto Caeiro

Si la nature est le lieu de la magie des rencontres, il y a des formes que nous humains essayons d’éloigner les unes des autres. Ainsi, nous rendons incompatibles l’image de la liberté projetée dans la nature que l’aventure en haute montagne peut incarner et l’aliénation contemporaine à la consommation, celle superficielle qui produit le gaspillage, mais celle nécessaire qui nourrit le fonctionnement de tout que peuvent incarner les zones industrielles.

Mais ces choses ne s’opposent pas dans notre monde. Elles coexistent. Et dans la plupart des endroits chez nous, les usines se tiennent assez loin des villes. Mais là où elles sont près, il semblerait qu’existe un filtre qui fait oublier leur dangereux voisinage.

Quand dans les images, usines et montagnes, mines et forêts, fret et escalade sont réunis à nouveau, qu’est-ce que nous faisons de ces contingences ?

INFORMATIQUE AUTOMATIQUE TECHNIQUE

Depuis longtemps je cherche à bouleverser mon rapport à la technique.

Comment faire en sorte qu’elle ne soit plus quelque chose qui me sépare de la nature ? Comment développer une attitude non extractiviste, non instrumentaliste ? Comment me libérer des enjeux contemporains de l’efficacité ?

À la manière d’un cinéaste et peut-être à celle d’un peintre du temps et de la lumière, je me concentre sur des paysages avec le rêve de pouvoir les transpercer et de percevoir la nature.

« Un film expérimental considère le cinéma à partir, non pas de ses usages, mais de ses puissances ; et il s’attache aussi bien à les rappeler, les déployer, les renouveler, qu’à les contredire, les barrer ou les illimiter. Une telle entreprise s’exerce d’abord sur le dispositif technique propre au cinéma, dont la complexité concrète favorise l’investigation et toutes les formes de déplacement »
Nicole Brenez

Au départ de toutes mes pièces, il y a la nature. Que je fasse un film pour le cinéma, une vidéo pour l’installation, un projet de performance ou un spectacle ou encore une série d’impressions. Il y a toujours au départ des images que j’ai filmées. Le tournage est une pratique fondamentale dans mon travail. Je tourne entre deux et quatre mois par an. Et la plupart du temps, je retourne dans les endroits que j’aime beaucoup et avec lesquels j’entretiens des liens particuliers. Et à de rares occasions, je vais découvrir de nouvelles choses. C’est très important pour moi de retourner au même endroit, de filmer encore et encore pour arriver à faire des images singulières peut-être, mais surtout pour arriver à voir quelque chose qui n’est certainement pas visible en premier instant et qui demande du temps, de l’attention, et beaucoup d’amour. Je compare souvent mon travail de tournage à la vie et aux relations qu’on entretient avec les gens qu’on aime. Ainsi quelques endroits sur terre sont pour moi comme des amis qui quand je ne les vois pas pendant un certain temps me manquent et que j’ai de beaucoup de plaisir à retrouver et que j’apprends à connaître au fil des rencontres.

« Les jours succèdent aux jours, jamais monotones. Même lorsqu'ils peuvent paraître exactement semblables, ils ne le sont jamais tout à fait. Et c'est cela qui donne à la vie en mer cette dimension particulière, faite de contemplation et de reliefs très simples. » Bernard Moitessier 8

Ensuite, de retour à mon atelier, je vais porter la même attention que je porte à ce qui était devant moi, aux images que je ramène. Je vais regarder quelle est leur nature, comment les technologies que j’utilise on traduit ce qui était devant moi. En essayant de penser le moins possible, je vais regarder. Je vais voir les moments où il semble que quelque chose se passe entre la qualité de l’image et les éléments naturels enregistrés, pour voir comment je peux développer une histoire entre le sujet et le médium qui l’exprime. Pour cela je travaille avec la compression en vidéo. Je vais utiliser d’une manière très particulière des outils employés par l’industrie audiovisuelle pour optimiser le stockage et la diffusion des images vidéos, dans la perspective de faire apparaître une énergie picturale qui est enfermée dans les formats standards. Je ne cherche pas à détruire les images, ni à faire apparaître des artefacts. Je renverse complètement l’approche et au contraire je cherche à libérer et révéler une image qui s’invente en dehors des sentiers battus. Si ce travail est très technique et est très difficile à expliquer sur ce plan-là, il est loin d’être celui d’un ingénieur ou d’un informaticien. Ma démarche est bien plus semblable à celle d’un cuisinier ou d’un ébéniste qui à force de pratique à une connaissance intime de la matière avec laquelle il crée.

Dans tout mon travail, j’essaye de révéler le plus précisément possible la nature magique et l’incroyable puissance plastique des images numériques. Et au fil des années, avec l’expérience, s’est développée une maîtrise spéciale. Cette maîtrise dépasse la simple production des images avec l’ordinateur. Elle s’étend aux dispositifs de diffusion de manière à ce que les images puissent y déployer tout leur force. Ainsi les images sont toujours exactement dans la résolution des écrans qui les portent. La plupart du temps, contre la généralisation des standards industriels, elles sont même spécifiquement faites pour eux. De la même manière, la précision (et les dimensions) des impressions est relative aux machines qui sont utilisées.

Dans la nature je me moque totalement de pixels, et je n’ai aucune considération technique, je respire et je suspends ma pensée, dans la fabrication des images je me concentre énormément et j’essaye de rester au plus proche de l’ontologie dans laquelle je me projette.

La compression vidéo est faite pour optimiser les fichiers. En réduisant leur taille, elle facilite leur stockage, leur transport et leu transmission. Elle permet très « naturellement » de réduire tous les éléments présents à l’intérieur d’un fichier à un simple flux de données qu’il est très facile de « libérer ». Ainsi aucune image n’existe plus réellement. Chaque instant n’est qu’une documentation de ce qui est différent de l’instant précédent. Toute image qui s’affiche est une actualisation de ce qui était affiché précédemment. C’est comme cela que les images semblent fondre les unes dans les autres. Mais il n’y a aucun fondu. Les images se fabriquent les unes à partir des autres.

Donc pour résumer chacun de mes projets nait d’un tournage et d’un travail sur la compression vidéo. Et à chaque fois, quelle que soit la destination, je fabrique des images en mouvement. On peut les voir dans la plupart de mes œuvres, mais jamais dans les tirages. Il faut deviner que ces images viennent aussi de vidéo et que chacune d’entre elles est le résultat de la manipulation d’un de ses fichiers, qu’elle ne s’affichera qu’une seule fois et qu’elle ne sera imprimée aussi qu’une seule fois.

Pour chaque série de tirage, j’ai donc une vidéo au départ et à chaque fois que je la manipule je peux produire de nouvelles images. Ainsi sur plusieurs années je vais les explorer et à chaque fois faire une sélection d’environ une centaine d’images dont je l’imprimerai que quelques-unes.

La taille des images, je la choisis généralement en fonction de la qualité de ce que j’ai tourné au départ. Comme j’utilise de nombreuses caméras, je ne peux pas travailler dans les mêmes dimensions tout le temps. C’est important pour moi que l’on puisse voir les pixels, mais en fonction de chaque image ils ont une taille différente à l’affichage, à l’impression. On peut les voir, mais je dirais que le sentiment général qui va se dégager de l’image dépend de leur taille. Il ne faut pas confondre les carrés que l’on retrouve un peu partout dans les images et les pixels eux-mêmes : les images sont composées de blocs de pixels et en général ils font 16x16. Pixel lui est véritablement minuscule. C’est beaucoup plus facile de le voir sur les vidéos.

EFFACEMENT HUMILITÉ RESPONSABILITÉ

« Si les hommes créent ou fantasment des machines intelligentes, c’est qu’ils désespèrent secrètement de leur intelligence, ou qu’ils succombent sous le poids d’une intelligence monstrueuse et inutile : ils l’exorcisent alors dans des machines pour pouvoir en jouer et en rire. Confier cette intelligence à des machines nous délivre en quelque sorte de toute prétention au savoir exhaustif comme de confier le pouvoir à des hommes politiques nous permet de rire de toute prétention à gouverner les hommes.

Si les hommes rêvent, contre toute évidence, de machines originales et géniales, c’est qu’ils désespèrent de leur originalité, ou qu’ils préfèrent s’en dessaisir et en jouir par machines interposées. Car ce qu’offrent ces machines, c’est d’abord le spectacle de la pensée, et les hommes, en les manipulant, s’adonnent au spectacle de la pensée plus qu’à la pensée même.  »
Jean Baudrillard, Le Xerox et l’infini/Traverses 44-45, Machines virtuelles, Revue du centre Pompidou, 1988

« C’est la première fois qu'il y a une telle paix en moi, car cette paix est devenue une certitude, une chose qu'on ne peut pas expliquer, comme la foi. Je sais que je réussirai, et je trouve ça absolument naturel, cette certitude absolue où il n'y a ni crainte, ni orgueil, ni étonnement. Toute la mer chante, simplement, sur un octave que je ne connaissais pas encore, et cela me remplit de ce qui est à la fois la question et la réponse. » Bernard Moitessier 9

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Reinhold_Messner
    https://www.on-tenk.com/fr/documentaires/montagne-de-questions/gasherbrum-la-montagne-lumineuse ↩︎
  2. Le 18 mars 1969, alors qu’il s’apprête à gagner la première course autour du monde en solitaire et sans escale, le marin décide de ne pas remonter vers l’Europe et ses «faux dieux». Il continue sa «longue route» vers le Pacifique.
    https://www.youtube.com/watch?v=oFvB2c4Zp0g
    https://www.youtube.com/watch?v=Vg8lzaY7TsI ↩︎
  3. Au cours des six dernières années de tournage, il n’y a pas eu un seul voyage où je n’ai pas vu un glacier un peu s’effondrer. De mon récent passage au Mont blanc, je me rappelle, sur les pentes de la Flégère, en face de la mer de Glace, entendre les explosions à répétition du chantier qui étend le chemin du petit train qui conduit les touristes bien trop loin des pieds du glacier aujourd’hui. ↩︎
  4. ↩︎

  5. Extrait d'une interview sur son livre LEAP (qtd. Moonwater). ↩︎
  6. si, grâce au faire technique, l'homme se retrouve exempté des activités imposées par la nature, que va-t-il faire, ? Ortega Y Gasset, José. Méditation sur la technique, Allia. ↩︎
  7. Moitessier, Bernard. La longue route : Seul entre mers et ciels (CLASSIQUES ARTH) (French Edition) (p. 20). Arthaud ↩︎
  8. Moitessier, Bernard. La longue route : Seul entre mers et ciels (CLASSIQUES ARTH) (French Edition) (p. 98). Arthaud. ↩︎
  9. Moitessier, Bernard. La longue route : Seul entre mers et ciels (CLASSIQUES ARTH) (French Edition) (p. 98). Arthaud. ↩︎
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